Le bureau des mariages* et ses surprises littéraires !

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Lors de 7 rendez-vous intimes dans 7 villes de la Province de Liège, découvrez 7 extraits littéraires de 7 minutes, illustrant chacun une étape d’une histoire d’amour, des émois du début… aux effrois de la fin. (Les Parlantes et cetera..)

Une part du secret de l’efficacité du festival de lectures Les Parlantes qui se tient à Liège chaque année durant la semaine de la francophonie est de proposer également des évènements culturels originaux autour de la lecture durant toute l’année : il suscite l’évènement jusque dans les endroits les plus surprenants.
Quand j’ai lu la proposition de lectures sur le thème de l’amour dans le programme du festival Les Parlantes et cetera, j’ai de suite éprouvé le désir d’en être et d’en faire le sujet d’un article à partager avec vous aux beaux jours si le spectacle se révélait à la hauteur de son intitulé ! Le rendez-vous auquel j’ai choisi de participer se tenait au centre de Liège, dans un magasin de robes de mariée ! Lieu d’une grande poésie, romantique à souhait, vaporeux et satiné, douillet et accueillant, un de ces lieux qui invite à penser l’amour sous le plus heureux des auspices…
Quelques chaises disposées au fond du magasin, un divan recouvert de velours tendre pour la lectrice et en toile de fond mural la magie de longues robes moirées suspendues à de jolis cintres de bois blancs.
Une petite table sur laquelle se trouvaient les rafraîchissements et quelques délicieuses bouchées apéritives achevaient de nous mettre l’eau à la bouche et le sourire aux lèvres.

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La lectrice s’assit, le silence se fit et d’emblée nous fûmes dans le sujet !

« La pièce montée arrive, sur un plateau immense porté par deux serveurs. Vincent voit osciller au rythme de leur marche cette tour de Babel en choux à la crème, surmontée du traditionnel couple de mariés. Il se dit : C’est moi, ce petit bonhomme, tout en haut. C’est moi. Il se demande qui a pu inventer un couple aussi ridicule. Cette pyramide grotesque ponctuée de petits grains de sucre argentés, de feuilles de pain azyme vert pistache et de roses en pâte d’amandes, cette monstruosité pâtissière sur son socle de nougatine. Et ce couple de mariés perché au sommet, qu’est-ce qu’il symbolise au juste ? (…)
-çà doit être le plus beau jour de notre vie. C’est comme un spectacle, tu comprends ? Une pièce de théâtre. Nous sommes les personnages principaux et les invités sont à la fois figurants et spectateurs ! »  (extrait de Une pièce montée de Blandine Le Callet)

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Photo pièce montée

Le ton était donné et nous reçûmes ainsi confirmation que, même avant le grand jour, un mariage pouvait présenter des risques, racontés avec humour certes mais un humour suffisamment grinçant pour que le décor perde un peu de son lustre et le romantisme ambiant un peu de sa lumière. Les sourires quant à eux faisaient plaisir à voir. Sans doute le souvenir d’autres gâteaux improbables émergeait-il dans les pensées.
La lectrice qui visiblement se délectait plongeait déjà dans le texte suivant ! Et nous écoutions avec délice le grand Victor Hugo :

« Lorsque ma main frémit si la tienne l’effleure,
Quand tu me vois pâlir, femme aux cheveux dorés,
Comme le premier jour, comme la première heure,
Rien qu’en touchant ta robe et ses plis adorés

Quand tu vois que les mots me manquent pour te dire
Tout ce dont tu remplis mon sein tumultueux ;
Lorsqu’en me regardant tu sens que mon sourire
M’enivre par degrés et fait briller mes yeux (…..)

Ô dis ne sens-tu pas se lever dans ton âme
L’amour vrai, l’amour pur, adorable lueur
L’amour flambeau de l’homme, étoile de la femme
Mystérieux soleil d’un monde intérieur (….) »

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Les vers hugoliens rendaient un hommage vibrant au désir qui, quand il s’allie à l’amour, nous dépose sur une terre d’élan et de partage. Les mystères de la rencontre amoureuse flottaient dans un air saturé de parfum de santal. Nous n’aurions pourtant pas le temps de nous attarder sur nos évocations car notre conteuse nous projetait déjà dans l’univers enthousiaste de Christiane Singer dont elle lisait un extrait de l‘Eloge du mariage, de l’engagement et autres folies’ :

« ….Seule la puissance des limites fait que l’esprit se cabre, s’enflamme, s’élève au-dessus de lui-même. Devant une toile immense dont il ne verrait pas les bords, tout peintre, aussi génial fût-il, baisserait les bras. C’est la restriction de la toile, sa limitation même, qui exalte ses pinceaux…Si le mariage n’était que l’union d’un homme et d’une femme, il ne pèserait pas lourd. Ce qui rend le mariage si fort, si indestructible c’est qu’il réunit deux êtres autour d’un projet de vie (….) cet état soit difficile exigeant, inconfortable, nul ne le contestera. En mariage, l’autre me confronte aux limites de mon être. Avec une ingéniosité étonnante, déjouant tous les gardiens, il s’introduit dans les coulisses (…) là où l’enfant des profondeurs à l’abri des regards, las, épuisé, se recroqueville (….). Pourtant ce qui rend le mariage si lumineux et si cruellement thérapeutique, c’est qu’il encourage une relation qui mette véritablement au travail (…).A partir de cette authenticité qui provoque, écorche et dérange, le chemin mène au mystère de l’être (…).Les épreuves ne sont pas en mariage signe qu’il faut clore l’aventure mais souvent, bien au contraire, qu’il devient passionnant de les poursuivre. Le mariage a pour nous d’autres ambitions.»

La parole de cette chercheuse de sens infatigable nous invitait par son chemin d’exigence, de constance et de pérennité à considérer le mariage comme une rencontre approfondie avec soi-même autant qu’avec l’autre. Nous passions de l’humour à la poésie délicate et de la poésie à une philosophie de l’amour empreinte de sagesse et d’efforts nous encourageant à vivre une altérité féconde. Le programme de la soirée nous faisait voyager et interpellait nos expériences de vie à deux pour le meilleur et par le rire, comme nous nous en sommes rendus compte en entendant le texte suivant qui s’intitulait ‘Ne vous mariez pas les filles’ écrite par un certain Boris Vian ! Je vous en confie quelques vers et une version chantée par Michèle Arnaud bien que nous n’ayons bénéficié ‘que’ de la lecture pleine de sa gouaille et ô combien instructive…

 

 

Avez-vous vu un homme à poil
Sortir soudain d’la salle de bains
Dégoulinant par tous les poils
Et la moustache pleine de chagrin ?
Avez-vous vu un homme bien laid
En train d’manger des spaghetti
Fourchette au poing, l’air abruti
D’la sauce tomate sur son gilet
Quand ils sont beaux, ils sont idiots
Quand ils sont vieux, ils sont affreux
Quand ils sont grands, ils sont feignants
Quand ils sont p’tits, ils sont méchants
Avez-vous vu un homme trop gros
Extraire ses jambes de son dodo
S’masser l’ventre et s’gratter les tifs
En r’gardant ses pieds l’air pensif ?

Effectivement, Boris trouvait là des arguments imparables pour susciter le doute chez celles qui auraient souhaité convoler ! La magnifique tirade de Perdican d’Alfred de Musset qui suivit se chargea d’ amener la réflexion sur la vitalité de l’amour et la densité qu’il confère à ceux qui en sont animés : ‘j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé…’. Difficile de ne pas être en admiration en écoutant cet extrait de ‘On ne badine pas avec l’amour’. Vous en trouverez une lecture à voix haute sous le lien de la tirade.

« Adieu Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. « 

Et quand vint l’heure d’entendre le superbe poème de Louis Aragon dont la version chantée par Jean Ferrat  reste accrochée à nos mémoires autant que le texte d’Aragon, nous étions tous profondément émus, chérissant cet amour qui donne sens aux vies bien que nous le malmenions si souvent !

Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu’un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J’ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j’ai vu désormais le monde à ta façon
J’ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante on reprend sa chanson

J’ai tout appris de toi jusqu’au sens du frisson.
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu’un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

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Nous voyions le tas de feuilles lues doucement augmenter sur le divan au côté de la lectrice. Nous ne fûmes pas étonnés de découvrir où redécouvrir le poème bouleversant de Rosemonde Gérard Rostand qui traitait avec une grande délicatesse de l’amour au temps de la vieillesse et qu’elle avait intitulé ‘L’éternelle chanson’. Notre lectrice avait conjugué pour nous les temps de l’amour et nous en proposait ce que nous croyions être la fin. Nous étions pleinement avec elle et les vers que je connaissais pourtant prenaient une peau nouvelle portés qu’ils étaient par sa voix grave et belle.

Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
Et je te sourirai tout en branlant la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux.
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.(…)

Et comme chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain,
Qu’importeront alors les rides du visage ?
Mon amour se fera plus grave – et serein.
Songe que tous les jours des souvenirs s’entassent,
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d’autres liens.
C’est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l’âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main
Car vois-tu chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain.

Pourtant nous avions tort, un dernier clin d’œil clôtura la soirée en complétant notre réflexion. Je suis heureuse de vous laisser le découvrir !

*Merci à Hervé Bazin a qui j’ai emprunté une partie du titre de l’article, Le bureau des mariages.
Les hyperliens donnent accès à la version complète des poèmes.
Les photos non annotées m’appartiennent, à l’exception de celle de notre conteuse, elles sont libres de droit.
Ma gratitude aux organisateurs de la soirée consacrée à l’amour pour Les Parlantes et cetera.

A propos

Malayalam, balades prodigues en poémie pour l'ipaginablog. Lectrice et auteure sur ipagination.

8 Comments on “Le bureau des mariages* et ses surprises littéraires !

  1. Bravo Malayalam !! Je m’en vais vite partager ! Merci pour cette parenthèse, amusante, dépaysante, intéressante ! Quel travail ! :))

  2. J’ai lu ton article avec un immense plaisir et beaucoup d’admiration pour ton texte, tes illustrations visuelles et sonores. Je partage aussi partout où il m’est possible de le faire. Des milliers de bravos à toi !!! 😉

  3. Je n’ai pas coutume de commenter les publications ici, Domi, mais je ne pouvais pas faire autrement que me joindre aux louanges ci-dessus exprimées… Tu as écrit un superbe article, Domi. Bravo et merci encore…. Et bien sur, je partage sur Facebook moi aussi, je le ferai régulièrement d’ailleurs, parce qu’il mérite le plus large lectorat possible… Bisous !

  4. Merci Flo de déroger à ta coutume pour commenter mon texte! C’est un peu comme vérifier que le petit bateau confié à la rivière trouve des ports pour l’abriter au long du chemin! Quant à moi, il va me falloir re-découvrir le port Facebook!!!Biz

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