Gabo s’est éteint, mais Gabriel Garcia Marquez demeure.
« Ce qui importe, ce n’est pas la vie qu’on a vécue, mais celle dont on se souvient, et de comment on s’en souvient pour la raconter. » Ainsi parlait Gabriel Garcia Marquez dit Gabo. Ces quelques mots illustrent bien son écriture et sa façon de semer, dans ses écrits, des fragments de son histoire personnelle… qu’il se plaisait à exagérer selon son biographe Gérald Martin.
Un mois après sa disparition survenue le 17 avril dernier, la tristesse est toujours aussi vive. Sa mort avait été annoncée il y a une quinzaine d’années alors qu’il souffrait d’un cancer lymphatique. Il avait combattu et vaincu la maladie, on le croyait immortel…
« Les gens que l’on aime devraient mourir avec toutes leurs affaires », écrivait-il dans « L’amour au temps du choléra ». Il n’en est rien… fort heureusement, il nous laisse une œuvre remarquable à l’écriture poétique, mélancolique, pétillante et vibrante d’humanité qui a comblé d’aise la terre entière et lui a valu le prix Nobel de Littérature.
Emilio Lezama, journaliste et écrivain, confie que sa mort a quelque chose de dévastateur pour les latinos américains que son œuvre seule, ne peut expliquer. En effet, Gabriel Garcia Marquez était plus qu’un chroniqueur et écrivain. Il était l’homme qui a su témoigner du quotidien des sud-américains avec réalisme et magie et donner ainsi une généalogie aux latinos. Il a su narrer à la perfection la vie de ses compatriotes et tous se retrouvent avec beaucoup d’émotion dans les situations et les personnages qui peuplent ses romans, contes et nouvelles. Une sud-américaine aurait dit à Emilio Lezama à propos de Cent ans de solitude : « Nous avons grandi dans un village comme celui de Macondo, mais il aurait pu être ce village. Nous avons vécu cent années de solitude ! »
Gabo racontait… il n’inventait pas ou si peu… C’est donc dans son histoire personnelle qu’il faut chercher la source de son génie.
Gabriel José de la Concordia Garcia Marquez est né le 6 mars 1927 à Aracataca en Colombie, d’un père télégraphiste, désinvolte, schizophrène, souffrant de crises d’angoisse et d’une mère issue de la petite bourgeoisie. Ses parents lui serviront de modèle dans L’Amour au temps du choléra. Petit, son éducation est confiée à ses grands parents maternels. Son grand-père et confident le nourrit des aventures héroïques qu’il a vécues lors de la guerre des mille jours et sa grand-mère lui conte des histoires effrayantes de revenants qui le hanteront toute sa vie puisque, plus tard, il possèdera une dizaine de maisons…toutes, petites, pour éviter les fantômes. Nourri d’héroïsme et de fantasmagorie, on ne s’étonnera pas de retrouver dans ses romans, l’ambiance et les lieux qui l’ont vu grandir et qu’il quittera à la mort du patriarche.
Il fait alors des études de droit à Bogota et s’immerge dans la lecture des classiques latins et hispaniques qui le fascinent au point de négliger ses études. Il s’essaie à l’écriture et publie une première nouvelle qui est un conte, La Troisième Résignation. Mais l’université ferme à la suite de l’assassinat d’un leader politique. Gabriel rejoint donc sa nombreuse famille – il a dix frères et sœurs – à Cartagena et devient journaliste à El Espectador. Il retranscrit des interviews, écrit des textes d’opinion, des chroniques tout en poursuivant sa découverte des auteurs comme Faulkner, Hemingway, Woolf, Kafka pour ne citer qu’eux. Il ne voyage pas que par littérature interposée. Son journal l’envoie en tant que correspondant à l’étranger. On le retrouve en Suisse, en Italie, en Espagne et en France. Il parcourt la terre à une époque où voyager n’est pas aisé et très onéreux, surtout pour un journaliste sans le sou comme il l’était. Mais le journal qui l’emploie, disparaît. Il se retrouve démuni au sein du quartier latin.
Puis vient le temps de son engagement politique : voyages en Allemagne de l’Est, en Union soviétique, en Hongrie, financement de groupuscules armés au Venezuela, relations avec les grands de ce monde, François Mitterrand, le roi d’Espagne, Clinton…Et Fidel Castro. Une longue amitié le lie au leader cubain qu’aucune critique n’entachera. Sympathisant des mouvements révolutionnaires, il finance la campagne électorale du M.A.S (mouvement vers le socialisme) au Venezuela, il crée la fondation Habeas pour la défense des droits de l’homme et des prisonniers politiques.
Bien qu’ayant été espionné par les services secrets mexicains et américains, il s’établit au Mexique où il écrit des scénarii et les nouvelles de Les funérailles de la Grande Mémé. La publication de Cent ans de solitude lui apporte la célébrité. La suite est à l’image de l’homme…qui doute « Je n’ai jamais relu aucun de mes livres par crainte de me repentir de les avoir écrits », mais qui poursuit sa vie avec passion et une humanité que traduisent ses écrits et ses engagements politiques.
Exposer plus avant l’homme n’est pas pertinent. On en dirait toujours trop ou pas assez. Parcourir son œuvre est encore le plus sûr chemin de mieux connaître et comprendre l’auteur aux multiples facettes.
Cependant, il est difficile de conclure sans faire référence à la lettre qu’il a écrite à ses amis. Il y parle beaucoup de Dieu et invite ses lecteurs à aimer, aimer la vie, aimer les siens et le leur dire. Ces mots laissent apparaître un Gabriel Garcia Marquez qui semble avoir quitté le monde des luttes et des combats pour se tourner vers un autre monde intérieur et spirituel, un monde d’amour et de pardon proche de l’Hooponopono dont il reprend une sorte de mantra : « Maintiens ceux que tu aimes auprès de toi, dis leur à l’oreille combien tu as besoin d’eux, aime-les et traite-les bien, prends le temps de leur dire « je suis désolé », « pardonne-moi », « s’il vous plaît », « merci » et tous les mots d’amour que tu connais.
(…) Prouve à tes amis et êtres chers combien ils comptent et sont importants pour toi. Il y a tellement de choses que j’ai pu apprendre de vous autres… Mais en fait, elles ne serviront pas à grand chose, car lorsque l’on devra me ranger dans cette petite valise, malheureusement, je serai mort. » (…)
Et bien non Gabo, tu n’es pas mort et toutes ces choses que tu as apprises, tu nous les as transmises, à nous d’en prendre soin et de les partager… Alors merci à toi pour le superbe héritage que tu nous as laissé.
Pour aller plus loin, dans l’univers de Gabriel Garcia Marquez…
…voici quelques titres de ses ouvrages
Des contes, nouvelles et récits :
- Récit d’un naufragé
- Les funérailles de la grande Mémé
- L’incroyable et triste histoire de la candide Erendida et de sa grand-mère diabolique
- La Mala Hora
- Pas de lettres pour le colonel
- Des yeux de chien bleu
- Douze contes vagabonds
- Journal d’un enlèvement
- Six contes vagabonds
Des romans :
- Cent ans de solitude
- L’automne du patriarche
- Chronique d’une mort annoncée
- Une odeur de goyave
- Des feuilles dans la bourrasque
- L’amour au temps du choléra
- L’aventure de Miguel Littin
- Le général dans son labyrinthe
- De l’amour et autres démons
- Vivre pour le raconter
… et une invitation à lire ou relire les pages de notre ami et auteur iPaginatif Don Gilberto, qui le premier, a rendu hommage à Gabo.
http://www.ipagination.com/textes-a-lire/afficher/de-cheo-a-gabo-par-don-gilberto#.U1aOIcbWEQc
Tu nous offres un très bel article, Liliane. Vibrant, émouvant, fort et juste. Merci de lui avoir rendu hommage.
C’est moi qui te remercie Aubree. Ton passage, ton commentaire sont des encouragements et contribuent aussi à rendre hommage au grand homme qui nous donne de belles leçons de vie.
Cent ans de solitude reste l’ouvrage qui m’a le plus marquée, sa magie est toujours présente malgré une lecture vieille de plusieurs dizaines d’années. Merci Liliane
Merci à toi Brigitte. Cent ans de solitude est peut-être l’ouvrage de Marquez le plus connu des français.
« Ce qui importe, ce n’est pas la vie qu’on a vécue, mais celle dont on se souvient, et de comment on s’en souvient pour la raconter. »
Silence ému et respect.
Merci Marcel.
Merci Liliane. Un hommage qui soutient la mémoire et la gratitude, Tout bon pour moi!
Grand merci Domi. J’espère que cet article donnera envie à ceux qui passent par ici, de découvrir ou redécouvrir l’auteur.
Si….dans mon ancienne vie et les nouvelles, je n’avais pas découvert ce grand Monsieur, certainement, en ce moment meme, je plongerais dans tous ses livres!En meme temps! Que se passe-t-il avec GGM? La première fois que j’ai lu « Cent Ans », c’était en 1979… Et, pratiquement chaque année, la vie m’invite à lire ou relire quelque de solide de GGM ou sur GGM. Mais, voyez-vous, qu’il s’agisse de Melquíades (Cent Ans), Sierva María(De l’Amour et Autres Démons), le Colonel ou Simón Bolívar(Général, labyrinthe), personnellement, malgré la grande distance qui sépare nos côtes maritimes, au sud, je reçois recevoir le parfum de Cartagena de Indias ou de Aracataca. Ou je me mets à parler comme l’un de ses personnages… qui ressemblent tant avec ceux qui m’entourent. C’est fantastique, ton beau travail, Chère Liliane.MIL GRACIAS!!!
Merci très cher ami pour ton passage et ton commentaire. Ce que tu nous livres de la vie de là où tu vis semble être un prolongement des romans de GGM comme tu l’appelles. Je ne peux pas m’en réjouir, car ça veut dire que nous n’avons rien appris… Grosses bises à toi ami d’ici et d’Haïti.