iPAGINA’SON vous emporte sur les ailes du désir….
iPagina’Son et son équipe se dévoilent ici
Une merveilleuse promenade dictée par le Désir….Une intense communion avec la Nature…Une passion joyeuse et aveugle, « car il faut si peu pour tout basculer dans la tristesse « .
Renaissance nous offre ici une réflexion philosophique sur les arcanes du bonheur où Désir fou et Audace s’épousent pour le meilleur.
Nous vous proposons du Plaisir, sélectionné par Véronique Brésil et mis en voix par Naïade.
» IL Y A D’ABORD LE DESIR «
– Renaissance-
« Il n’y a pas d’idée derrière le désir, il y a d’abord le désir. »
J’en étais là de mes réflexions et je ruminais cette assertion depuis quelques heures. Je goûtais l’essence de ma joie de toutes mes papilles et je prolongeais ce plaisir aussi longtemps qu’il m’était possible. Il m’en avait fallu du temps, de l’énergie et de la sueur de méninges pour ce paroxysme. Mais reprenons depuis le début.
Le marais breton-vendéen était totalement inondé cet hiver là. Blanc, le marais était blanc comme se plaisaient à dire les plus vieux maraichins qui en avaient vu bien d’autres. Avant ! De leur temps…Cela catastrophait les jeunes générations très angoissées de voir les routes et chemins coupés, la disparition de la géographie si balisée, bornée de nos jours. En effet, il n’y avait plus de prés, de champs, de frontières perceptibles, plus de repères rassurants. La mer semblait avoir reconquis son ancien territoire et régnait de nouveau. Moult promeneurs et photographes en herbe tentaient maladroitement de s’aventurer dans ce milieu hostile aux étrangers et potentiellement dangereux pour qui n’assurait pas ses pas.
J’étais de ceux là ! Poussé par la seule envie de faire ce fameux cliché photographique unique, essentiel et rare, je démarrais donc une balade que j’espérais payante à très court terme. Mais afin, de rendre ces inévitables œuvres encore plus émouvantes, j’optais pour le fameux « coucher de soleil sur le marais blanc ». La seule évocation de ce titre me faisait frémir de plaisir. Garant ma voiture le plus loin possible sans risquer de tomber dans un étier, j’inaugurais l’aventure par un sentier en surplomb dominant ainsi l’immensité des lieux. Très vite, j’avais pu profiter de la chute progressive du soleil, entre les rares arbres, vers cet océan magnifique mêlant l’avant et l’après, l’immense et l’infiniment petit, la musique des flots et le silence mystérieux. Mon appareil numérique se gavait de cette aubaine et présentait tous les symptômes d’une insatiabilité gargantuesque. Alors, je lui obéissais aveuglement et marchais, marchais encore. Je courais même par moment, alternant mes appuis sur tantôt des monticules et des buttes hors de l’eau, tantôt sur des bouts de ce sentier disparu. Sous les eaux !
Arrivé dans un espace moins submergé, mon chemin se dessinait plus nettement pendant que la lumière solaire s’affaiblissait indubitablement. Loin d’être saturé du bruit si caractéristique du déclic de l’obturateur et toujours en attente du moment où les couleurs allaient passer de l’ocre brumeux à l’orange-chrome si cher à William Turner, je m’enfonçais définitivement dans l’inconnu. Là enfin tout était réuni pour saisir des instantanés inoubliables, pour voler au mystère un peu d’inespéré, pour assister, seul, au crépuscule des lieux. Cependant, un premier plan me semblait soudain nécessaire et un vieux mur au loin, me séduisait de toutes ses vieilles pierres. Hâtant le pas pour l’atteindre au plus vite, je pataugeais sérieusement dans la boue et ses circonvolutions. Toutes les positions étaient nécessaires pour mes prises artistiques et ma jouissance était proche de l’acmé. J’assistais ainsi en direct à la mort du soleil dans le marais. Et probablement à …celui de mon retour !
Le Canon s’était tu. Mon cerveau surexcité prenait lentement conscience de la situation qui pouvait d’ailleurs se résumer très simplement : il faisait quasiment nuit noire dans le marais blanc ! Je n’avais aucune possibilité maintenant de rebrousser chemin sans risquer de me noyer. Le soleil complice de mon escapade m’avait d’abord loyalement guidé vers lui mais il n’était plus. Il m’avait abandonné dans cet univers que je devinais très hostile, la nuit. Et la lune semblait très en retard au rendez vous. Sans moyen de prévenir, de faire appel, j’étais donc perdu quelque part dans l’immensité et riche probablement d’un trésor inestimable dans mon appareil photo. Comme stupéfait, je remontais machinalement la fermeture éclair de ma veste, remontais le col et tentais une incursion dans ma lucidité. C’est alors que le vieux muret me tendit sa crête supérieure, érodée et lessivée. Je m’asseyais en le gratifiant d’une pensée.
La perspective d’une nuit d’hiver dehors, en plein marais inondé, probablement sous la pluie qui ne manquerait pas de s’inviter, sans abri et sans possibilité de m’allonger aurait dû me paniquer, m’effrayer. Est-ce par inconscience ou par insolence vis-à-vis de la mort ? Je n’étais certes pas serein mais disons…optimiste. Après tout je n’étais pas vraiment seul car le vieux mur m’avait tout de même offert aimablement son flanc. Ma bonne santé ne pouvait qu’intimider la faucheuse qui rôdait probablement en quête d’organismes affaiblis et vieillissants. Que pouvait la nuit sur moi ? M’envahir de sa froideur et de sa torpeur, me saisir dans ses doigts de frayeur, me glacer de ses requiem, me pétrifier de ses brumes invisibles ? Au fur à mesure de ces questions, un mot bouclier commençait à se formuler dans mon esprit, dans mes oreilles, dans mes yeux et sur ma peau. Je ne l’avais pas senti se dessiner et pourtant il prenait forme, lentement, doucement, irrémédiablement. Conatus…
Avais-je d’autre choix que de vivre ? Le sacro saint réflexe de survie, sans doute. Mais je ne voulais pas vivre pour subir passivement toutes ces adversités. Non ! Vivre intensément cette expérience unique, activement, en l’acceptant comme épreuve complémentaire à mes préliminaires photographiques. Une vie de quelques heures d’une rareté absolue que je n’avais certes, pas anticipée, mais qui s’imposait à moi comme autant d’occasions de me dépasser. Il me fallait mobiliser toute ma volonté non pas pour résister mais bien pour braver puissamment les éléments. Puissance ! Voilà bien le moteur existentiel qui se mettait en route sourdement en moi. Une puissance d’exister. Une force qui me venait de je ne sais où et qui, j’osais le penser, me rendait euphorique. Comme de la joie. Conatus…
Bien-sûr, il y avait la souffrance physique liée au froid, à l’humidité et au vent. Ayant fini par délimiter un périmètre d’action sans danger, je m’activais régulièrement en marchant, en gesticulant, en me fouettant de mes bras pour lutter contre tout risque d’ankylose et de blessure du froid. De plus, le mur avait fini par me prêter un coin d’abri du vent. Mais là n’était pas l’essentiel. Ce qui m’avait conduit ici n’était autre qu’un désir fou. Pas un manque, naturellement. Une envie irrépressible de saisir une folie de la nature, d’embrasser un instant de grâce, d’étreindre une lumière surréaliste, de pénétrer un corps abstrait mais Ô combien amoureux. Si beau, si fort, si fou était ce désir qu’il m’emplissait encore de joie malgré le contexte. Un accès de libido. C’est bien de cela qu’il s’agissait. Conatus…
Ce mot me revenait sans cesse et de plus en plus fort à l’esprit. Spinoza, bien que disparu, semblait venir à mon secours et soutenir l’ordre de mes pensées. « On ne désire pas une chose parce qu’elle est bonne, c’est parce que nous la désirons que nous la trouvons bonne ». Ces mots résonnaient en moi maintenant. Ce marais si beau le jour par ses lumières, ses reflets et ses couleurs m’offrait cette nuit là, ses mystères et son intimité. Je l’aimais donc à la hauteur de la majesté du cadeau et en retour lui donnais ma joie d’être. Lui concéder ma tristesse aurait été assurément une offense et de ce fait, ma perte.
L’aurore vint en son temps. Avec elle, d’autres images, d’autres lumières dont une qui me tirait par la main vers un passage salvateur. J’avais vaincu bien des démons durant ces quelques heures et une grande fierté me gagnait. Mon corps était éprouvé mais un halo de bonheur, j’allais dire de chaleur, m’entourait. « Il n’y a pas d’idée derrière le désir, il y a d’abord le désir. » Cette autre phrase du philosophe, compagnon nocturne, chantait en moi à chacun de mes pas. Nul doute qu’elle avait encore besoin de réflexion, de maturation mais j’en mesurais déjà son étendue lorsque je grimpais dans ma voiture. Heureux !
Laisser un commentaire