Quand iPaginaSon fait des rêves de Liberté…
affiche de Bluewriter
iPaginaSon et son équipe se dévoilent ici
Aujourd’hui, iPaginaSon met sa voix au service de textes qui parlent de rêves et de liberté, mais aussi de détresse et de différences…
Oublier les soucis grâce à la beauté de la nature… FIRENZ ‘ vous conte le voyage entre rêve et réalité de VERO D.
AU GRE DU VENT, par Véro D, une sélection de Bluewriter
J’aime cet endroit, à n’importe quelle saison. Cette presqu’île sauvage où les vagues blanchissent de leur écume les rochers bruns de la côte, où le vent souvent violent m’amène les larmes aux yeux. L’océan en automne luit de reflets argentés sous le ciel gris. Lorsqu’on passe sur l’isthme, la bande de terre est si étroite qu’on a déjà l’impression d’être en mer.
Je marche sur cette plage déserte, le vent soulève le sable, me piquant les yeux. Mes pas laissent des empreintes vite effacées. Sur les rochers, des algues noires sèchent et craquent sous mes pas. Quelques mouettes survolent la plage en se laissant porter par le vent. Je suis souvent venue ici. Souvent l’été, avec toi. Aujourd’hui, je suis seule. Retour aux sources. Retour à cet endroit où nous avons été heureux, comme si j’allais y croiser les fantômes des moments de bonheur.
Je grimpe sur la falaise. D’en haut, le vent souffle encore plus fort. Il rugit comme un animal blessé, me hurle aux oreilles son chant sauvage qui me grise, qui me saoule. Bras écartés, au bord du vide, sa voix m’emporte au loin.
Je me sens légère d’un seul coup. Je plane, je joue avec le vent qui se laisse faire, bon enfant. Il me porte, me soutient, me protège. Je monte, aussi légère qu‘une bulle. Puis redescend en piqué pour remonter au dernier moment. Mes bras sont devenus deux belles ailes et moi je suis redevenue aussi joyeuse et insouciante qu’un enfant. Ma peine est restée à terre sous la forme d’un gros rocher gris que je contemple d’un œil détaché. Le paysage est vraiment différent vu d’en haut. Plus rien d’autre que voler n’a d’importance. Profiter de l’instant…
Je rejoins mes compagnons sur un gros rocher près de la plage. Un de mes congénères m’entraîne vers un coin de pêche où le poisson pullule. Nous y parvenons en quelques coups d’ailes. Je plonge dans l’eau grise au milieu des rochers écumants, attrape un poisson que je dévore goulûment. Je replonge…
J’évolue cette fois dans un monde liquide et mouvant. La sensation de glisse me procure une extase nouvelle. Autour de moi, des créatures colorées de toutes formes évoluent en un ballet silencieux. Parfois un éclair argenté fuse dans le courant. Des méduses translucides se laissent doucement dériver. Des rochers tapissent le fond, je m’y amuse, me cache dans les anfractuosités tapissées de longues algues vertes. Du monde du dehors ne subsiste qu’une lointaine lumière bleutée… J’ai déjà oublié mon ancienne vie.
Je rejoins mes congénères, et nous filons dans l’océan sans limites. Nous ne formons qu’un seul être, nageant ensemble, changeant de direction en même temps, allant vers un même but.
« Tout va bien, madame ? Vous devriez faire attention, ce n’est pas très prudent de rester si près du bord par ce temps… » Je me retourne. Un jeune couple se tient derrière moi, l’air inquiet. Je les rassure d’un sourire. Puis me détourne et reprend ma promenade en équilibre au bord du gouffre. Je respire à pleins poumons, me sens délestée d’un grand poids. Mes soucis ont pris le large, envolés avec le vent.
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Il est une langue magnifique pour dire l’humanité outragée. Texte poignant de FIRENZ’
APRES LE PARADIS, par Firenz, une sélection de Amaranthe
On avait mis ma liberté en cage, moi qui avais couru sur les traces des antilopes, à travers la savane. J’étais devenu le plus rapide, je devais succéder au chasseur du village. À moi seul je nourrissais tant de ventres, l’enfant chétif devenu homme était enfin utile à ceux qu’il aimait, à ceux qui l’aimaient.
Quand Nameh posait sur moi ses grands yeux de faon, mon cœur s’accélérait comme pendant la chasse. Depuis que nous étions enfants, depuis nos courses folles et nos jeux innocents, nous savions que, un jour, nous serions unis comme s’unissent les grands. Elle était belle, douce, et gaie, sa peau et ses cheveux absorbaient les parfums des fleurs que je lui cueillais parfois. Elle et moi, nous étions heureux, promis à un avenir radieux …
Et puis ils sont arrivés, dans leurs bateaux géants, coiffés de voiles blanches, blanches comme l’écume à la commissure des lèvres lorsque le cœur s’arrête, lorsque le serpent a mordu. Blanches les voiles, de la couleur de la mort.
Ils ont mis le feu au village, après avoir volé nos pierres de couleurs glanées dans les sillons de notre terre. Les enfants ont hurlé sous les coups de leurs armes, les femmes ont pleuré toutes les larmes de leur corps, larmes mêlées de sang. Ces hommes, ces sauvages, ont enlevé les plus jeunes et les plus jolies d’entre elles, pour les emmener vers des destins de poussières. Nameh était la plus belle …
Alors j’ai connu les chaînes, les coups, le mépris et la haine. Sur leur bateau de crasse, j’ai vécu les pires outrages, le cœur fendu en deux comme les troncs de ces arbres qui alimentaient notre feu, le feu des temps heureux. J’ai fait un long voyage, par des vents détestables, des mers en colère, le vomir à la bouche, le goût du sang aussi. Nos dieux se rebellaient. En vain. J’ai vu mourir des frères, affamés, malades, les yeux révulsés, pauvres diables devenus inutiles, qui ne connurent de sépultures que la gueule des requins. J’ai appris le langage de mes bourreaux, un peu, les mots de l’humiliation, de la dégradation, le mode impératif du présent incertain et de l’avenir imparfait.
On m’a débarqué enfin, sur une terre de grisaille, de pluie et d’ordures. J’ai fait les beaux jours de quelques scientifiques dont la mission majeure était de déterminer si, oui ou non, j’étais un homme, un humain. Puis on m’a baladé, de salon en salon, où j’ai fait rire les dames, rire jaune teinté de peur. « Quelle étrange créature ! » Ma différence devenue mon malheur.
Quand l’affaire fut réglée, mi-homme, mi-singe, ont-ils décrété, on m’a vendu à un cirque. De village en village, on m’a emmené. ‘Venez donc voir l’homme singe, la bête humaine’, c’est ainsi que l’on me présentait. Entre deux spectacles, aux basses besognes j’étais affecté, chaînes aux pieds, fouet au corps si mon ardeur faiblissait. Ma peau, de plaies vêtue, ressemblait de plus en plus à l’écorce d’un arbre meurtri ou à une terre sèche, oubliée de la pluie.
***
Mes rêves se sont éteints, privés de liberté, et ma vie, diluée dans l’amertume, m’abandonne. Plus la force de me battre, l’espoir au bord du vide, les oreilles écrasées d’insultes et de moqueries, les yeux brûlés d’humiliations, de leurs visages hilares, de leurs bouches ricanantes. Ma vie s’épuise, petite flamme soufflée par le vent de l’oubli. Je finirai aux chiens …
Nameh, Ô Nameh, où es-tu ma gazelle, ma tendre, mon aimée.
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