Robert The ou les livres subversifs.
De façon régulière nous vous présentons des artistes qui ont la drôle de manie de sculpter dans des livres pour leur donner un nouveau sens. Ces œuvres d’art qui surprennent, font sourire, et parfois même saisissent d’effroi, ne laissent pas indifférent.
A défaut de se mettre d’accord sur la légitimité de l’acte commun à ces artistes qui consiste à se servir de l’objet-livre comme matière à sculpture, on ne peut pas s’empêcher de réfléchir sur le message que ces derniers tentent de faire passer.
Robert The est de ces artistes-là. Sa spécialité ? La provocation.
Américain, né à Carmel en Californie en 1961, l’homme fait des études de philosophie et de mathématiques dans une Université du Wisconsin, à Madison précisément, entre 1969 et 1984. Il s’intéresse à l’art par la suite, bien qu’il semble qu’il n’ait jamais souhaité être un artiste. Ses études sont motivées par son intérêt pour la langue et la logique, ce qu’il appelle « les bases de vérité et de sens »
Robert, sculpte, déforme, manipule le livre jusqu’à obtenir l’effet visuel souhaité. Son travail intimiste et transgressif fascine par le « choc visuel » qu’il suggère. On pourrait dire que son œuvre poursuit cette même quête entreprise durant ses études, mais d’une façon biaisée.
Ainsi selon Robert The, le livre serait une « base de vérité et de sens ». A la fin de ses études, pendant un ou deux mois, Robert n’a pas pu lire de livres. Est-ce pour cette raison que les livres dans ses créations lui apparaissent comme des armes à feu, ou encore qu’un dictionnaire représente un nœud coulant ? Une chose est sûre, il semble alors avoir perdu certaines de ses convictions.
Il erre donc quelques années avant de se plonger avec grand intérêt dans une formation de lettres, de calligraphie ainsi que de peinture. A l’ « Institute of Lettering and Design de Chicago » entre 1986 et 1988, il étudie l’art des enseignes commerciales, comment travailler l’émail qu’il juge « impitoyable et salissant ». Et c’est de là, en travaillant la lettre « I » qu’il peint le mot « This » et ouvre certaines perceptions artistiques, qui ne s’étaient jamais présentées jusque-là : « l’endroit où le mot devient physique. »
Sa voie artistique trouve un nouveau sens, et c’est alors qu’il vit dans le Lower East Side de Manhattan, qu’il constate que de nombreux livres finissent à la poubelle. Il reproduit plusieurs livres « this » et s’aperçoit lors d’une exposition dans une galerie de Soho que ses œuvres se vendent : moins d’un an après, son travail est présent dans de nombreuses collections dans tout le pays.
Robert The, fort de son succès, réalise les fameux « livres-pistolets » pareils à des œuvres d’art conceptuel. Il semblerait que c’est en voyant un enfant se saisir d’une lettre « L » qu’il a réalisée et la tenir comme un pistolet qu’une idée lui vient : la plus célèbre de ses séries voit alors le jour.
Jonathan Lethem, écrivain dont un des livres s’est retrouvé engagé dans l’une des sculptures de Robert, décrit « l’étrange beauté de cette deuxième utilisation — une récompense pour avoir été un auteur publié : il n’est certes plus lisible mais je ne pouvais pas m’offusquer de cela. »
Sur l’une des réalisations à partir du livre « La crise de l’Art ». Il est possible de se poser les questions suivantes : l’art est-elle une arme ? Mais quelle est la cause ou le résultat de la « crise de l’art » ? Le critique d’art lui-même ?
Ou serait-ce l’arme, prête à abattre le véritable art ? Voici donc que la boucle se bouclerait, revenant à des questions philosophiques qui ont fait la jeunesse de l’artiste.
Malgré la renommée considérable de l’artiste, ce dernier se considère lui-même comme un outsider dans le monde de l’art. Robert d’ailleurs ne se fige pas, il se déplace dans les différentes communautés artistiques, afin semble-t-il, de ne jamais vouloir rentrer dans un des carcans établis.
On retrouvera également Robert avec une réalisation qui a beaucoup fait parler d’elle : la représentation de l’encyclopédie Britannica, référence anglo-saxonne depuis 244 ans, transformée en balai, suite à l’annonce faite en mars 2012, qu’elle cessait d’être imprimée pour se diffuser désormais uniquement sur Internet.
On trouve également une part de « gâteau-livre », ou sa représentation pourrait être sujette à controverse : serait-ce pour signifier que le livre n’est plus que consommable avec des agents de textures de saveurs et conservateurs ou bien une façon de signifier que la culture , et le livre en particulier, est une gourmandise, une douceur de l’âme, une nourriture indispensable…
L’on peut également citer, pour avoir un aperçu complet de sa provocation, la réalisation de livres sculptés en forme de scorpion, mais aussi de cancrelats et autres représentations animales répugnantes. Mais aussi et surtout, la plus sulfureuse de toutes dans un pays puritain, une bible transformée en grenade…
Robert The fait réagir, dérange mais insiste sur le sens de son œuvre « les livres sont amoureusement vandalisés à la vie alors qu’ils peuvent s’affirmer contre la culture qui la transformés en débris. »
Chacun aura l’occasion de se forger sa propre opinion, ses propres avis, l’intérêt étant de réagir, n’hésitez pas à laisser un commentaire !
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