S’il te plait, dessine-moi un auteur : Christian Carpentier
iPagination et iPaginablog, deux sites en connexion étroite, puisque animés par les mêmes équipes, dans un même esprit et pour une même passion de l’écriture.
Écrire … qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ça fait ? Comment ça vient ? Pourquoi ? Quand ? Où ? ….
Sur iPaginablog, nous avons invité les auteurs d’iPagination à nous dévoiler un peu de leur intimité de plume.
Cette semaine, c’est Christian Carpentier qui nous déroule une vie d’écriture, commencée d’une bien étrange manière…
Pour la beauté des feuilles, de papier à noircir, ou naturelles à observer
C’est l’histoire d’un petit garçon de 8 ans. Ni pire ni meilleur qu’un autre, précoce et plutôt renfermé, il passait plus de temps à lire qu’à faire des bêtises. C’est pourtant à cause d’un petit dérapage que tout a commencé. De ladite bêtise, il ne se souvient plus. Dans les années 60, la réponse était souvent quelques volées de ces martinets que les bazars offraient à la vente, vicieusement suspendus au-dessus des ballons et des poupées, des petites voitures Norev et des figurines multicolores représentant les coureurs du Tour de France. Mais le jour là, sans doute sous l’inspiration d’un article de Femmes d’Aujourd’hui, la mère du petit garçon essaya autre chose. Arrachant la double page centrale d’un cahier d’écolier, elle l’enferma dans la salle à manger, avec pour consigne de ne sortir qu’une fois le papier couvert d’écriture. Trois quarts d’heure plus tard, l’enfant passait la tête par l’embrasure de la porte. A la question maternelle « tu as fini ? », il répondit simplement : « Non, je voudrais une autre feuille, j’ai pu d’place ! » Il couvrit finalement huit pages de son écriture scolaire et appliquée, huit pages que, interloquée, la maman décida de montrer à Monsieur l’Instituteur, Monsieur l’Instituteur qui, le lendemain, installa une boîte pour textes libres au fond de la classe.
Quarante-huit ans plus tard, Christian Carpentier médite toujours sur cette étrange « Entrée en Littérature ». Est-ce en y repensant qu’il a fait dire à l’un de ses personnages : « Écrire est une punition; c’est la pénitence infligée à ceux qui nourrissent la modeste prétention d’exister. » ? Ce qui est sûr, pour lui, c’est que l’écriture est encore un acte exigeant et parfois douloureux.
Ses textes, qu’ils soient conçus pour raconter une histoire ou pour la belle musique des mots, naissent et se développent déjà sous forme d’idée. Si certains tournent dans son esprit quelques heures ou quelques jours, certains ont attendu des semaines, des mois, parfois des années pour voir le jour. Dans son silence intérieur, Christian se récite à l’infini des poèmes, des contes, des textes de chanson, jusqu’à ce que le résultat le satisfasse. Alors seulement il écrit, d’un jet; il ne reste plus qu’à peaufiner le texte, arrondir des angles, supprimer quelque lourdeur. Pour lui, l’écriture est donc la formalité finale.
L’inconvénient de cette approche est que jamais, à son grand regret, Christian Carpentier n’a pu terminer un roman. En quarante-huit ans, il aura écrit des contes, des nouvelles, des chroniques journalistiques, des articles, des poèmes, des textes de chanson… que du court. D’ailleurs, en 1987, parallèlement à sa carrière d’enseignant et de père de famille, il crée une revue : L’Encrier Renversé (la revue du texte court). Quatre fois par an, ce fanzine publiera des auteurs débutants, dont certains ont fait carrière. L’Encrier Renversé, et le Prix de la Nouvelle de la ville de Castres, sont devenus, dans les années 90, des références dans le monde de la nouvelle.
Après un stage auprès d’un grand hebdomadaire national, à Paris, il devient correspondant bénévole pour la Croix du Midi, et s’essaye pendant quelques années à la chronique culturelle. Puis il crée son atelier d’écriture, Cœur d’Alène et participera à la naissance d’un atelier chanson. Avec les années 2000 et l’informatique, il développe le site « L’Elan des Mots qui Chantent », qui fait la part belle aux auteurs débutant, organise des concours, propose des ateliers d’écriture. Mais le travail est trop lourd, et, ne trouvant pas de collaborateur, il jettera l’éponge. En 2011, il tentera de relancer son site, mais il découvre Ipagination ; il l’avait rêvé, Ipagination l’a fait. A partir de là, il abandonne son projet et rejoint une équipe déjà formée, dynamique, aux projets ambitieux.
L’histoire littéraire de Christian Carpentier, si elle se définit par le court, résulte aussi de l’ambiguïté entre l’écrit et l’oral. S’il n’a jamais boudé le plaisir de publier ses textes dans des revues, il affectionne tout autant les lectures publiques, les scènes de poésie, les récitals de chansons. Car c’est là, devant de vrais gens, que celui qui se définit comme un poète de variétés fait vivre et vibrer les mots qu’il chérit. Récemment, il a rejoint Ipagina’son, un groupe d’Ipaginautes orienté vers la mise en voix des textes sélectionnés. Là encore, notre Aède de l’ère électro est dans son élément ; la littérature, il la sait physique, charnelle, sensuelle…
Alors, à cinquante-six ans, le petit garçon ne sait toujours pas si c’est la punition qui continue. Ce qu’il sait, c’est que le plaisir de créer, de donner de la vie à ses mots et à ses histoires, le plaisir de les offrir et de les partager, le plaisir un peu prétentieux de se sentir un peu plus aimé et reconnu à travers eux, toutes ses petites choses qui avaient suivi la punition, tous ses plaisirs sont encore là, et le seront toujours.
Prem’s. Un pas dans la vie de Christian. Une page de punition qui se traduit en huit grands pas dans ces espaces où les mots deviennent des passeports pour visiter tes mondes intérieurs. Merci à toi ami de voix et de plume pour ce voyage vers tes rives
Un portrait tout en finesse qui révèle combien les mots sont puissants pour exprimer la création. Belle continuité Christian !
Quelle histoire, Christian! qui conjugue l’écriture à la saveur de la punition! Que de trésors pour rebondir chez un enfant…bien sûr, il y a un coût mais l’écriture y a été gagnante! Et visiblement, elle fait intimement partie de ta vie! Merci pour ce portrait sensible et intéressant! Malayalam/Domi
Merci Jacques, merci Laurence, merci Domi. L’avantage du martinet, c’est que ça brûle 3 minutes, et après on oublie! Quand je pense à tous les arbres qui ont été coupés pour mes seules élucubrations en 48 ans!
Tout naturellement, le son de ta voix, chaude et aux intonations à la « Nougaro » s’est invité. Et ce chant a accompagné, avec bonheur et émotion ce portrait de toi. Heureuse de cette intrusion autorisée dans ce monde qui est le tien. Cet univers que tu nous offre en partage touchant et pétillant, comme tous ceux que je connais de toi, depuis peu.
Merci Naïade, et c’est un sensei qui le dit!
En voilà des mots qui nous parlent ! Un petit garçon qui n’en finit jamais de grandir, de chercher, d’entreprendre, de partager, de découvrir, de