Ipagina’Son tourne une page de l’enfance.
Votre lectrice du jour : Sortilège
L’adulte est-il façonné par son éducation, par son enfance rythmée au fil des conseils et des interdictions de ses parents ?
La vie étant faite de renoncements successifs, l’enfance fait place à l’adolescence et ses nouveaux désirs, puis à l’âge adulte avec ses illusions, ses désillusions, son besoin de protéger sa progéniture de tout son amour, pour lui donner les meilleures armes dans la vie.
Vça fait peur ? Oui un peu…mais ce comportement est tellement humain, c’est le cercle de la VIE.
Sortilège tourne pour vous « Tiens-toi droit », une page de vie écrite par Djak pour l’atelier d’écriture : Histoire d’enfance » et sélectionnée par Amaranthe.
TIENS-TOI DROIT
– Djak –
Tiens toi droit, finis ton assiette, ne te salis pas, ne t’éloigne pas.
C’est de l’amour. C’est une sorte de répulsion profonde, envie indocile, vengeance, colère inconnue et inextinguible.
– Et pourtant, on t’aime. Je sais pas ce que t’as dans le corps… sont devenues les protestations émotives plus récentes.
C’est si long, si délicat, de faire un homme. Entre intention et anxiété, ignorance et fierté, manipulation mentales et fatigues, soucis quotidiens, argent, travail. Tous les garçons de sa classe sont-ils des voyous? La ruelle derrière la maison est-elle si dangereuse? Il est rare qu’il pose des questions.
– Raisonneur!
Il croit en l’adulte tout-puissant, nourricier, commandeur, pouvoir et force absolus. Il croit en un seul dieu … créateur du ciel et de la terre … d’où lui viennent ces prières jamais apprises par cœur et toujours sues, ce caractère solitaire à toutes épreuves. Conventions entre famille et société, ou est la place, en négation? Reste le souvenir de repas savoureux, de rires éclatants, de gaîtés simples. Tout enfant n’est-il qu’une proie, héros apparent, surhomme d’argile, adulé, comme il est beau, comme il est grand pour son âge, il ressemble à son papa, domestiqué, contraint, comment garder une zone libre, une façon de dire non ou simplement si je veux.
Tout parent n’est-il que castrateur, briseur d’élan, dur donneur d’ordres, sadique ou adjudant.
La joie, la spontanéité est perdue à jamais, enfouie sous l’inexpérience, l’envie d’indépendance, la fondation d’une nouvelle famille, deux jeunes adultes consentants amoureux, éblouis l’un par l’autre, les cœurs chavirés, prince et princesse sur des destriers puissants, au métro-auto-boulot de chaque jour, tremblants hésitants devant ce petit bout, caché pendant neuf mois, qui devient un dépendant, de vrai indépendant, sale, bruyant, mystérieux qui empêche les nuits douces, le repos, l’amour même, la langueur des câlins, l’alchimie mystérieuse de la contrainte et de la douceur de l’humain.
Colères, agressions, violences, défiances sont-ils déjà sortis? sont-ils restés cachés? L’enfant n’est pourtant que colère, bien au-delà de l’injustice, bien plus loin que des souvenirs. Pleurs inexplicables, cet écœurement, cette lourdeur, cette solitude…
– Qu’est-ce tu veux faire plus tard? Tandis qu’il débute le printemps de la vie, frais et rose, il croise la maturité estivale des parents, être juché sur des épaules, voir au dessus de la foule, blotti sur le sein asséché que maman n’autorise jamais, une douceur de poitrine jamais permise, se disputent-ils? Il entend leurs cris qui s’élèvent, des halètements, des chuchotis, les regards sont sévères, si impérieux, retourne te coucher, que fais-tu là? lorsqu’il entrouvre la porte, curieux, petit d’homme tourmenté. Ils le portent, du parc à la poussette, de la maison à la remorque à vélo, ils le questionnent, incertains.
Un jour le silence s’installe dans le cœur, couvrant tout, colères, désirs, plaisirs, plus de soleil, si mais de tristesse, l’enfant meurt.
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Jean Cocteau : (« Mange ta soupe .Tiens-toi droit. Mange lentement. Ne mange pas si vite .Bois en mangeant. Coupe ta viande en petits morceaux. Tu ne fais que tordre et avaler. Ne joue pas avec ton couteau. Ce n’est pas comme ça qu’on tient sa fourchette. On ne chante pas à table. Vide ton assiette. Ne te balance pas sur ta chaise. Finis ton pain. Pousse ton pain. Mâche. Ne parle pas la bouche pleine. Ne mets pas tes coudes sur la table. Ramasse ta serviette. Ne fais pas de bruit en mangeant. Tu sortiras de table quand on aura fini. Essuie ta bouche avant de m’embrasser. Cette petite liste réveille une foule de souvenirs, ceux de l’enfance)
source de l’image : / http://enbas.net/index.php?id=genevieve-heller-tiens-toi-droit
Les cycles de la vie… mais si l’enfant meurt pour devenir adulte, il peut garder son âme fraîche et vive ça ne l’empêchera pas d’être un homme, bien au contraire !
J’ai aimé ce texte de djak, Sorti, je le ‘sens’ tellement juste…Suis moins optimiste que Roselyne, tellement de ‘maladresses’ quand on accompagne des petits…et elles restent inscrites, se rappelant à la mémoire de ceux qui les abritent jusqu’à ce qu’elles soient reconnues!
Merci tous les deux!